~ Adieu le séminaire ~ ( Terminé )

A cinq heures du matin, quelque part dans Wenta, un séminaire voit l’une de ses fenêtres se teinter d’une couleur chaude, reflet irrémédiable de la lueur d’une bougie. Le bâtiment en briques dure est presque branlant, mais le savoir édifié y fut ancestral et lui solidement fondé. Alors que le soleil n’est pas encore levé, une jeune femme du haut de ses vingt années sur cette terre, enfourne dans un sac en peau d’ours imprégnée de pigments beiges, ce qui lui reste de vêtements, quelques lettres, un grimoire et une vieille bible à la reliure usée par le temps et les lectures. Dans le silence de la nuit ténébreuse, la porte de sa chambre s’ouvre et se referme. Elle marche dans le noir le plus profond et descend les escaliers de pierre à tâtons, manquant de trébucher sur une dalle mal posée. Enfin elle pose le pied sur la terre ferme. Saisissant un chandelier dont la lumière se reflète dans ses yeux d’un gris lunaire, elle avance jusqu’aux cuisines et enfourne une pomme dans sa besace avant de la remettre sur son épaule et de reposer le candélabre.

Dans un grincement significatif, la lourde porte à double battants du séminaire s’entrouvre, laissant se glisser entre elles la silhouette fine de la jeune femme. Au séminaire, tous les séminaristes arrivés à la fin de leur deuxième cycle doivent évacuer leur chambre avant le lever du soleil, et ce dans le plus grand silence et sans éveiller leur partenaires pour éviter de trop longs aurevoir et adieux. Ce fut ainsi qu’en cette nuit chaude, Aurore, jeune prêtresse, se retrouve marchant de son pas légers et tranquille au milieu des ruelles de Wenta capitale Haren. Autour de son corps gracile flotte sa robe de soie lui descendant jusqu’aux cuisses, sur lesquelles, elle s’échancre involontairement déchirée sur la gauche. L’astre lunaire révèle sa peau laiteuse et sa longue chevelure couleur ébène au monde extérieur qu’elle ne connaît pas encore et n’a jamais connu. Elle porte à son épaule droite un étrange tatouage à moitié dissimulé par la bandoulière de sa besace.

En travers de son dos, un fourreau d’où sort le pommeau d’un katana semi-long part d’au dessus son épaule droite pour laisser sa pointe plonger en diagonale à vingt centimètres à gauche au dessus du sol. Le léger frottement de ses ballerines violines retentit sur le frais dallage de la grande rue. Au bout d’une demi heure environ, alors que les premières lueurs de l’aube caressent l’horizon encore voilé de nuages nocturnes, la jeune femme se hisse par les grands escaliers branlants, sur le haut des remparts de Wenta. Admirant le lever du soleil de son point d’observation, elle ne put s’empêcher d’imaginer un chef de guerre à sa place, regardant les troupes ennemies avancer. Mais il n’en était rien. Alors qu’elle déposait sur son tatouage une main blanche et douce, elle pensa à son dieu, alors que la brise matinale soulevait doucement ses longs cheveux corbeau. Elle murmura …

- Liberté …

Après tout, ses parents avaient choisi pour elle sa vie de recluse au fond de son séminaire pour futur none. Mais elle avait échappé à ce futur sombre et chaste, en prônant la place de prêtresse. Au sortir de myriades d’examens fantasmagoriques, elle avait réussi à obtenir la voix illuminée par le dieu Wenta, sur le chemin de la réussite et de la liberté, pour aller prêcher au monde entier, le miracle dont elle avait été le témoin, à l’âge jeune d’une dizaine d’années. Aujourd’hui devenue femme, elle se lançait, plus vivante que jamais, dans le combat pour la religion, avec pour seule arme un katana dont elle ne savait pas se servir, et une prière l’aidant à dispenser des soins aux blessés et mourants. Elle ne « pouvait » pas rester comme cela, elle ne DEVAIT pas rester dans l’ombre, mais en sortir pour accomplir sa destiné.

Il était tôt sur le continent d'Hara. Au loin se profilait une grande silhouette ailées.. Sur la plaine, le soleil se levait à peine, et tout était silencieux. Michael, la silhouette en question, s'aventurait lentement sur la verte étendue qui s'offrait à lui, se soutenant à quelque chose qui ressemblait à une épée d'une forme étrange. Il était blessé. En effet, sa dernière mission avait été un fiasco.. Il avait tenté de résoudre les problèmes par le dialogue, mais ça n'avait pas marché. Il avait alors essayé la méthode "dure", mais avait reçu une flèche dans l'aile au cours de la bataille. Il avait usé de toutes ses forces pour s'enfuir de là par voie aérienne, mais était désormais dans l'incapacité de voler, devant foulé le sol impur de ces plaines qui avaient sûrement été souillées par le sang lors de batailles atroces et autres guerres intercontinentales. En pensant à cela, il pouvait presque ressentir le chagrin des familles voyant leurs pères partir au front et ne plus jamais revenir. Il regarda le ciel, pensant au très haut, qui l'avait sûrement envoyé sur Mistyan trop tôt. C'était encore un novice, et son titre de Purificateur disparaissait peu à peu..

Avançant encore, il pouvait apercevoir les remparts, malgré sa vision troublée par la douleur et les forces qui lui faisaient de plus en plus défaut. Il s'arrêta et posa un genou à terre, se tenant toujours à son arme. Il avait là la preuve que ces instruments de guerre pouvaient faire autre chose que de faire souffrir et causer la destruction. Après quelques minutes de repos, il se releva et poursuivit sa route en direction de Wenta, capitale d'Hara, où il avait l'intention de recevoir des soins.. Son aile lui faisait de plus en plus de mal, et il espérait rejoindre la ville dans les plus brefs délais, sans quoi il s'effondrerait de fatigue.

Il lui fallut encore une heure pour parvenir à atteindre son but. Les imposants remparts de la ville Haren lui donnèrent l'impression d'être tout petit.. La cité commençait à être en activité, le soleil illuminant peu à peu les hauts murs qui entouraient la cité imposante. La vision floue de Michael lui signalait qu'il ne tiendrait plus longtemps le coup, il devait rejoindre une auberge ou une clinique rapidement. Mais comment faire? On lui avait raconté que les Harlens parlaient toutes les langues de Mistyan, mais lui n'en connaissait aucune, il devrait s'exprimer avec des gestes, des signes.. Sa vision floue lui signalait qu'il ne pourrait plus marcher longtemps, mais il devait tenir le coup, trouver quelqu'un. Dans un élan de courage, il se redressa au maximum et hurla de toutes ses forces, pour appeler quelqu'un. Avec un peu de chances, ce quelqu'un serait la bonne personne. Puis il se laissa tomber par terre, et ferma les yeux..

L’horizon infini, le soleil levant, la douce brise, tout était réuni pour un superbe début de journée. Mais rapidement alors que la jeune femme s’apprêtait à descendre des remparts, un événement vint troubler la si douce tranquillité de ces dernières heures. Un hurlement déchirant provenant de l’extérieur de la ville fit se tourner vers sa direction les yeux gris lunaire d’Aurore. Une silhouette venait de s’étendre lamentablement sur le sol, mais qu’était-ce ?
La silhouette en question semblait posséder des ailes ? Un ange était-ce possible ? A Wenta la ville des miracles, rien n’était impossible et la jeune prêtresse était mieux placée qu’un simple vagabond pour le savoir. Jetant un œil inquiet vers la ville encore endormie, elle fut rassurée de voir qu’elle était la seule à avoir entendu la plainte. Comme pour demander au blessé de ne pas bouger, elle laissa choir du haut des remparts un mouchoir violet qui alla avec le vent se déposer sur la main de l’ange.

Aussitôt, elle dévala les escaliers et courut à grandes enjambées vers les portes de la ville. Au bout de quelques minutes de course effrénée, elle finit par sortir en marchant des remparts, légèrement essoufflée. Rejoignant de son pas doux et félin l’homme étendu sur le sol, elle s’agenouilla près de lui et posa un doigt sur ses lèvres sans le regarder, comme pour lui demander de ne pas parler, car elle s’en doutait, le langage des anges était inconnu même des Harens à la faculté si spéciale de parler toutes les langues de Mistyan. L’armure de l’homme était impressionnante, les dorures d’une beauté incomparable, jamais dans son séminaire la jeune femme n’avait vu quelque chose de semblable et d’une telle rareté. Doucement, elle tira le blessé par le flanc et parvint à le faire passer avec son aide bien que faible, derrière un épais bosquet en fleurs. Invisibles à l’œil du monde extérieur, Aurore étendit avec soin l’aile meurtrie du jeune homme.

La blessure était profonde et quelque chose semblait bloqué sous la peau. Enlevant sa besace de sur son épaule, la jeune femme la déposa sur le sol et en sortit un bout de tissus blanc, un broc avec un poing à piller, deux sachets d’herbes et une gourde d’eau. Elle sortit son katana et le déposa près d’elle. Regardant le jeune homme avec pitié, elle lui tendit le bout de tissus en direction de la bouche pour qu’il le morde, elle pensait qu’il comprendrait que cela allait être douloureux. Puis elle regarda de ses yeux perçants la blessure. Doucement, elle trancha deux plumes qui obstruaient sa vue et qui repousseraient plus tard. Le travail commença alors.
D’un geste sec, elle trancha sur cinq centimètres la peau du jeune ange sentant les nerfs tressaillir sous ses doigts, elle se mordit la lèvre jusqu’au sang tellement elle était désolée. Puis prenant son courage à deux mains, elle plongea ses doigts de la main droite dans la blessure. Plusieurs minutes furent nécessaires pour qu’elle les ressorte tâchés de sang et tenant entre son pouce et son index une pointe de flèche.

Le visage doux et calme, elle se nettoya les mains avec un peu d’eau contenue dans sa gourde et versa le reste dans le broc avec les deux sachets d’herbes. Ses compétences en médecine étaient prouvées, elle n’était pas médecin pour rien. Dès que la mixture eut l’air d’une patte lisse et légère, elle l’appliqua en pommade sur la blessure et la banda avec soin. Aurore avait fait tout cela sans regarder le visage de l’homme qui avait pu la contempler à loisir elle n’en savait rien.
Ne voulant pas se laisser troubler pendant ces opérations délicates, assise sur ses talons et du sang plein sa robe légèrement échancrée sur les cuisses, elle osa enfin lever ses yeux lunaires sur le visage de l’inconnu. Elle dessina un soleil sur la terre meuble et posa trois bâtons autour en désignant du doigt son aile bandée, pour exprimer que sa blessure durerait trois jours puis qu’il pourrait retirer le bandage.

Lorsqu’elle le regarda de nouveau, elle lui fit un sourire lumineux, heureuse de voir ce qu’elle venait de réussir.

Alors que le Céleste semblait à bout de force et que la vie semblait le quitter peu à peu, un bout de tissu violet vint du ciel, tombant sur sa main. Il ne ressentit pas, mais la légère bouffée d'air que sa chute avait provoquée lui signala sa "présence". Quelques instants plus tard, une jeune femme d'une beauté rare arriva, légèrement essoufflée. C'était sans doute elle qui avait laissé tombé son mouchoir. Elle lui posa délicatement le doigt sur les lèvres, comme pour réclamer le silence, se doutant sans doute que malgré ses connaissances linguistiques, elle ne comprenait pas la langue parlée par Michael.. Elle devait, comme beaucoup d'autres personnes, le confondre avec un ange.. Elle admira un moment son armure, puis elle le traîna jusque derrière un buisson, à l'abri des regards. Croiser un céleste n'était pas courant, et certains êtres de Mistyan risquaient de réagir violemment en le voyant sans défense.. Elle saisit son aile avec douceur et l'étendit contre le sol, sans doute allait-elle le soigner.. Elle se débarrassa de ses affaires, et sortit de sa besace un morceau de tissu blanc, une espèce de bol avec un pilon, deux petits sachets et une gourde. Elle tendit le tissu à Michael et lui fit signe de le mettre dans sa bouche, sans doute serait-ce douloureux. Elle lui coupa les plumes qui gênaient la plaie et sembla se concentrer sur la blessure. Elle entailla la peau du Céleste et plongea ses doigts fins sous la peau, pour les ressortir quelques minutes plus tard, ensanglantés et tenant la pointe de la flèche qui avait meurtri le Céleste.. Pendant tout ce temps, Michael avait admiré son visage avec attention. Ses cheveux de geai, ses yeux gris, tout cela était d'une rarissime beauté, et il aurait pu les contemplé des heures entières sans s'en lasser.. Elle prit alors la gourde et versa un peu de son contenu, de l'eau, sur ses mains tâchées de sang. Elle remplit le petit bol avec le reste de l'eau et y mit les herbes. Une fois que l'onguent fut prêt, elle le disposa sur sa plaie et lui fit un bandage. Ensuite, elle dessina un soleil - ça devait être un soleil - par terre, et lui montra trois doigts, sans doute pour exprimer qu'il faudrait trois jours à la blessure pour guérir. Puis elle le regarda et lui fit un sourire radieux.

Michael tenta de se relever, mais la fatigue l'en empêchait.. Il fixa alors la demoiselle et se dit qu'il serait bien de communiquer un minimum. Alors il entama ses gestes. Il se montra, et prononça son nom. "Mi-Cha-El" [Prononcez Mi-Ka-El]. Puis il se pointa à nouveau et désigna le ciel, puis fit mine que sa main descendait du ciel, pour expliquer sa provenance. Il montra ensuite son épée et dit "Bel-Phe-Ron" [Prononcez Bel-Fé-Ronne]. Il se montra une nouvelle fois et dit "Michael Belpheron", en espérant que son homologue comprenait ce qu'il tentait de lui expliquer.

Tout en "conversant", il pensa à sa prochaine mission, espérant qu'elle serait proche et qu'elle serait plus réussie que la précédente. Il espérait récupérer très vite son titre de Purificateur. Il plongea alors sa main sous son plastron et saisit une petite bourse contenant divers objets de valeurs. Il l'ouvrit et en sortit un petit pendentif doré représentant une petite aile accroché à une chaînette en or et l'accrocha autour du coup de sa sauveuse, lui souriant. Puis il tenta de lui exprimer sa gratitude en mettant sa main contre son propre coeur, tout en désignant l'amulette du doigt. Le continent d'Hara était décidément le plus beau de ceux qu'il avait visité.

Le jeune homme se redressait, les traits légèrement tirés suite à la douleur, mais il avait résisté avec la force d’un tigre. Serait-il lui même un miraculé de Wenta ? Peu probable, il ne parvint pas à se relever malgré ses efforts. Puis soudainement alors qu’il la regardait il se mit à gesticuler ce qui fit sourire la jeune femme. Il se montra lui-même et prononça, « Mi-cha-el ».
Elle sourit alors qu’il levait sa main et son visage vers le ciel, serait-il possible qu’il en descende directement ? Il serait un céleste et non un ange en ce cas là. Puis il montra son épée et prononça « Bel-phe-ron », puis se désignant une nouvelle et dernière fois, prononça ce qui devait être son nom en entier. Aurore souriait, car bien qu’ils ne puissent échanger de parole librement, il essayait tout de même de communiquer avec elle, cette marque de soin soutenait à la fois sa gentillesse mais aussi son intéressement à sa lignée des Harens.

Sortant une bourse de ses vêtements, il en tira une chaînette en or au bout de laquelle pendait une sorte de petite aile dorée. Regardant poliment le bijou, la jeune femme fut étonnée de le voir se pencher vers elle et lui passer autour du cou. Une fois le bijou en place, elle souleva doucement le pendentif et le regarda étinceler entre ses doigts. Ce geste semblait être celui d’un cadeau, gênée mais heureuse, elle le regarda sans trop savoir que faire.
Au fond d’elle même, quelque chose lui dicta de ne rien lui offrir. Son cadeau avait été de lui sauver la vie probablement, et il l’avait remerciée à son tour. Posant sa main sur son cœur, le jeune homme désigna la joaillerie. Mais comment lui dire merci, elle ne connaissait pas la langue des célestes, le regardant avec des yeux d’un gris de lune éclatant, elle montra elle aussi son cœur en posant sa main dessus. Puis parla d’une voix mal assurée mais pas timide.

- Michael … Aurore …

Elle lui dédia une fois de plus un de ses fameux sourires dont elle gratifiait ses connaissances. Pendant les cinq minutes qui suivront, les deux protagonistes s’apprendront mutuellement à prononcer leur prénoms et à dire « merci » dans chacune des deux langues. Michael montra son épée et prononça en céleste.

- Epée …
- Epée !

Répéta la jeune femme en Haren. Il en fut de même pour leur lieux respectif. Le jeune homme désigna le ciel du doigt et Aurore désigna les remparts de la ville derrière elle.

- Ciel …
- … Wenta

Vingt minutes supplémentaires furent nécessaire pour apprendre seulement six renseignements chacun sur eux. La capacité des habitants de Mistyan et surtout ceux de Hara pour apprendre les langues étrangères était assez surprenante, loin d’une phrase complète cependant, ils connaissaient cinq ou six mots essentiels de la vie opposée. Ce fut alors le moment du départ, ne sachant que faire alors, Aurore se redressa en époussetant sa robe où le sang séché partit en croûtes qu’elle gratta vivement.
Elle devrait la détacher à l’aide de quelques herbes, mais cela plus tard bien entendu. Mais alors qu’elle ramassait sa besace, deux hommes se jetèrent littéralement sur elle. L’un lui noua une corde autour du cou et l’autre déchira le haut de sa robe, révélant une poitrine à peine cachée par un lambeau de tissus. Surprise, Aurore hoqueta .

- Mmm … Michael !

Plaquée au sol avec force, l’un des deux hommes l’assomma d’un coup de garde d’épée, l’autre commença à la déshabiller afin probablement de violer la jeune et vierge prêtresse. Déjà à demi nue, Aurore avait perdu connaissance.

Après avoir accroché le pendentif au coup de sa soignante et lui avoir fait comprendre que c'était un remerciement, celle-ci lui dit son nom.. "Aurore", elle s'appelait "Aurore".. Ils entamèrent une longue "discussion", apprenant à l'autre certains mots de sa langue natale. Michael dit à Aurore le mot Épée, et elle lui répéta dans son propre langage. Il désigna ensuite le ciel, sa "maison", et prononça le mot "ciel" dans sa langue, tandis qu'Aurore montra la ville derrière elle et dit son nom, Wenta.. Ils "discutèrent" encore 20 minutes, apprenant à chacun sa propre langue.. Il était alors temps pour les deux nouveaux "amis" de se séparer, Aurore se leva et frotta un peu sa robe, alors que Michael s'appuyait à Belpheron pour se redresser. Mais deux hommes surgirent de nulle part, se ruant sur la jeune femme. L'un lui accrocha une corde au cou et l'autre déchira sa robe, révélant une poitrine généreuse sans pour autant être imposante. Elle appela le Céleste à l'aide, avant de se faire assommer par l'un des deux hommes, pendant que le deuxième commençait à la déshabiller, sans doute pour faire des choses pas très saine avec ce corps probablement vierge..

Malgré la douleur, Michael se releva, s'appuyant toujours sur son épée. Il avait la tête dirigée vers le sol, mais leva le regard sur les agresseurs de celle qui lui avait sans doute sauvé la vie.. Un pendentif, ce n'était pas énorme comme cadeau.. Si Aurore avait secouru Michael, il se devait d'en faire de même. Et son rôle, en tant qu'envoyé du très haut, était de purifier Mistyan des injustices. Il avait donc deux bonnes raisons pour employer la violence face à ces êtres impurs.

-Courez de votre plein gré, avant que ce soit moi qui vous fasse courir,

dit-il dans sa propre langue, sans se soucier de savoir qu'ils ne le comprenaient pas.

Il se redressa et leva son épée et la posa sur son épaule, cédant légèrement sous la douleur et le poids de l'arme. Il s'avança à petits pas vers ses nouveaux adversaires, qui réalisèrent très vite la colère qu'il éprouvait envers eux. L'un des deux sortit deux dagues tandis que l'autre se mit en garde, serrant son épée tellement fort que l'on pouvait aisément voir les veines de ses mains. S'approchant encore, il abattit son arme sur l'épéiste qui eût à peine le temps de paré le coup. Le bandit, souriant narquoisement pour avoir réussit un tel "exploit", ne put apercevoir le coup de pied de Michael, qu'il reçut dans la région intestinal, relâchant la pression qu'il exerçait sur l'épée pour voir celle-ci se ficher dans son épaule, lui arrachant au passage un cri de douleur. Un autre coup de pied du Céleste se dirigea vers sa figure, et il tomba en arrière, inconscient..

-J'en finirai avec toi plus tard..

lança Michael à l'intention de l'homme inerte.

Il dirigea alors son regard vers l'autre bandit, qui était resté figé, incapable de bouger face à une telle situation.. L'homme ailé s'avança alors tout doucement vers lui, laissant traîner son arme dans son sillage, et puis, levant sa main libre, il montra l'horizon.. Il laissa à l'homme qui n'avait pas bougé une chance de se racheter, mais était légèrement impatient. Le bandit, qui ne semblait pas comprendre, regarda au loin, intrigué par l'indication de Michael. Ce dernier lui tapota doucement sur l'épaule, et envoya un coup de poing à son adversaire lorsque celui-ci se retourna, ce qui eût pour effet de l'assommer.

Il saisit les deux dagues du bandit, et les planta dans le coeur de lui et de son compagnon. Il usa alors de ses dernières forces pour éloigner les cadavre le plus possible de l'endroit où avait eu lieu la bataille, et puis se dirigea lentement vers le corps encore endormi d'Aurore, se coucha à côté d'elle en recouvrant le corps de la jeune fille avec son aile valide, et se laissa sombrer dans les méandre du sommeil..

Le film de sa vie au séminaire s’affichait, au ralenti , sur l’écran noir de ses yeux clos. Elle n’entendait que de brèves phrases, quelques râles et constata malgré son état comateux, qu’elle comprenait les paroles du céleste. Quelques mots avaient suffit à lui inculquer le rythme et les sonorités de sa langue, la capacité Harenne avait fait le reste, elle le comprenait à présent, et il devait aussi la comprendre. Puis d’un seul coup, alors que la jeune femme se fut résignée sur son sort tragique, tout s’arrêta.
Un moment, on ne la toucha plus, des cris, des gémissements et une parole, des coups, des bruits sourds et puis plus rien … Le silence pesant d’une matinée qui s’achevait déjà entourait les deux protagonistes. Etendue sur le dos, face vers le ciel, Aurore sentit quelque chose glisser sur son corps avant d’arrêter tous ses mouvements.

La respiration lente de Michael lui laissa deviner qu’il s’était endormi, alors détendant tous ses muscles, à l’abris de l’aile du céleste, la jeune femme garda les yeux fermés, et se laissa partir dans les ténèbres du sommeil. La journée passa, tant d’heures passèrent jusqu’à ce que la jeune Haren ouvrit ses yeux gris au monde extérieur. Le soleil se couchait, ils avaient passé plus de douze heures à dormir ainsi, le jeune homme à côté d’elle, une aile sur son corps et l’autre au repos. Aurore se redressa doucement dans l’ombre fraîche des arbres.
Le soleil n’était plus qu’un minuscule faisceau de lumière à l’horizon, elle en profita pour sortir une nouvelle robe identique à la première de sa besace, et l’enfila avant de revenir auprès de l’homme endormi. S’agenouillant, elle déposa la tête du céleste sur ses genoux et lui caressa doucement la joue, avec un sourire tendre. Elle murmura …

- Michael … le soleil se couche … réveille-toi …

Elle regarda son visage enfantin presque, endormi, les traits détendus, le céleste avait tout les traits d’un ange. Sa chevelure cendrée miroitait doucement alors que la jeune femme glissait ses doigts entre ses cheveux soyeux. De son autre main, elle toucha doucement le bandage de l’aile meurtrie de son protagoniste et le souleva légèrement. La blessure commençait déjà à cicatriser, c’était plutôt bon signe.
Replaçant le bandage, elle laissa glisser ses doigts dans le cou de son sauveur avant de tirer de sa besace deux pommes bien rouges, nécessaires à une heure aussi tardive, pour deux estomacs affamés. Regardant de nouveau l’être à moitié réveillé, elle souleva les pommes pour lui montrer et lui dit en souriant toujours.

- Tu devrais manger toi aussi …

Elle savait qu’il la comprenait, ils pouvaient parler librement à présent. Croquant à belle dents dans sa pomme bien rouge et bien dodue, elle s’écarta du jeune homme qui se redressait pour le laisser respirer un peu. Plusieurs minutes passèrent dans le silence, seulement troublé par de petits bruits de craquement et de mastication. Aurore se releva et s’approcha du céleste, plongeant son regard dans le sien.

- Je ne sais pas quoi t’offrir pour te remercier … alors …

Se penchant légèrement, elle déposa ses lèvres sur le bout des doigts de Michael, sans quitter ses yeux des siens.

- merci pour tout.

La rencontre d’un céleste l’aura probablement bouleversée jusqu’au plus profond de son âme, peut-être jamais ne le reverrait-elle, ils allaient sans doutes emprunter deux chemins et vivre deux vies totalement différentes, et l’un mourra, tandis que l’autre l’aura oublié. Le fatalisme était de mise, pourtant, dans cet esprit vierge de toute épreuve, bien que troublée par son presque viol, un soupçon d’espoir l’envahissait peu à peu, et une soif de vivre rongeait ses entrailles, vivre désormais, pour ses convictions, et pour lui.

Le soleil se couchait sur la plaine Haren, et Michael se réveillait seulement. Après le combat, il avait dormi toute la journée, protégeant Aurore de son aile.. Les murmures de la jeune femme provoquaient chez lui une agréable sensation. Il ouvrit doucement les yeux.. Il avait la tête posée sur les genoux de la demoiselle.. Son bon sens de Céleste lui disait de se relever, et de demander pardon à Aurore pour cette impolitesse mais il semblerait que ce soit elle qui avait déposé son visage à cet endroit, et puis.. il se sentait si bien dans cette position.. Elle lui tendit une pomme, croquant à pleines dents dans une autre.. Après quelques minutes passée avec les mastications comme seul bruit de fonds, Aurore se leva et s'approcha de Michael, le regardant droit dans les yeux.. Elle lui "embrassa" les doigts, le remerciant. Depuis l'attaque, le pouvoir des Harens faisait effet, et elle comprenait le Céleste, tout comme le Céleste la comprenait.

Il se leva, légèrement embarrassé par les actes d'Aurore. Par la main droite, il la saisit à la taille, tenant fermement son épée de la main gauche. Le repos semblait avoir accéléré les soins de l'aile de Michael, et il pouvait déjà volé. Il lui murmura « Accroche-toi! » , à l'oreille, et elle passa ses bras autour de son cou.. Étendant ses ailes, il défit les bandages, prêt à s'envoler.. Deux coups d'ailes, provoquant deux bourrasques de vent, suffirent à les faire décoller. Le Céleste se dirigea vers l’horizon, ayant pour but de montrer une vue imprenable à Aurore. Il devrait faire vite, sinon le soleil se coucherait, et il n’aurait plus rien à montrer à la Haren.

-Nous ne nous reverrons peut-être plus après cela, car j’ai une mission à accomplir, mais je veux que tu ne m’oublies pas,

lui murmura-t-il..

Il avait atteint sa vitesse maximale, ne pouvant pas aller plus rapidement, mais gardant son allure. Il fatiguait légèrement, mais ne s’en souciait guère. La douleur n’était que peu présente, et n’avait que peu d’influence sur le Céleste. Mais une autre douleur survenait déjà.. Celle de devoir quitter Aurore alors qu’il avait à peine apprit à la connaître. Il lui aurait bien proposé de partir avec lui, mais il ne voulait pas qu’elle prenne un si grand risque. En effet, une fois qu’il se serait séparé de la jeune femme, il se dirigerait vers l’Archipel du Berceau, à la recherche d’une démone recherchée par les hautes autorités de Mistyan.. Il paraîtrait qu’elle ait l’apparence d’une jeune fille, mais qu’elle ferait partie des plus hauts Apôtres du Crépuscue..

Une fois arrivés au bord de la mer, Michael et Aurore eurent tout le temps d’admirer la vue depuis les airs, sans qu’aucun des deux ne brisent le silence qui régnait. Lorsque le soleil était presque couché, le Céleste se tourna vers la Haren qui était toujours accrochée à lui, et l’embrassa, pour ensuite lui murmurer : « Ne m’oublie pas.. » Ils repartirent sans un bruit vers Wenta, et c’est sans verser une larme et sans prononcer un mot que Michael déposa Aurore sur les remparts, là où elle se trouvait lors de leur rencontre, et qu’il s’en alla au loin, gardant comme seul souvenir d’elle le mouchoir qu’elle avait laissé tombé, et la sensation immortelle de leurs lèvres qui se touchaient..

Le soleil couchant aurait pu être magnifique, accompagné de cette sensation de liberté et de légèreté suprême que peu de gens à part les célestes pouvaient ressentir, du fait de voler de ses propres ailes, oui à ce moment précis Aurore aurait souhaité mourir dans ses bras, car elle savait que cette vue imprenable devant ce coucher de soleil merveilleux n’allait lui apporter que douleur, blessure éternelle.
Alors que les derniers rayons pointaient à l’horizon, l’ange fit un demi-tour parfait, la soutenant sans problème malgré son aile meurtrie, il venait de lui offrir un moment merveilleux, et une journée plus qu’étonnante pour une simple sortie de séminaire. Le trajet du retour se fit dans le plus pur des silences, elle avait peur de parler et de briser ce moment, peut être le dernier qu’elle passait en sa compagnie. Arrivés au dessus des remparts, la jeune femme lâcha le cou du céleste dans une dernière caresse, il l’embrassa.

De ce baiser qui vous retourne le cœur, vous tiraille les entrailles, vous coupe le souffle, fait monter le sang aux joues, fait bondir les muscles, vous tire les larmes des yeux. Son premier baiser, et pas n’importe lequel, Aurore avait reçu celui d’un ange .Il lui demanda de ne pas l’oublier, elle le regarda dans les yeux, ceux du céleste étaient secs mais reflétaient une grande tristesse, les siens étaient humides, ne pleuraient pas, mais reflétaient tout autant le même sentiment. Elle glissa un doigt sur son pendentif en forme d’ailette, et l’autre sur les lèvres du céleste et murmura.

- Comment le pourrais-je … vole mon ange …

Avec les derniers rayons du soleil, disparut à l’horizon celui qu’elle venait de rencontrer, et d’aimer pour la première fois. Aurore ignorait combien de temps ils allaient passer l’un sans l’autre, elle avait peur qu’il soit infidèle, elle avait peur de l’être à son égard, elle avait peur qu’il meure, peur qu’il reparte aux cieux, alors elle se jura que tous les soirs elle prierait en lui, son ange et désormais son demi-dieu.
Elle l’évangélisait, comme on élève au rang de divinité un mort important, mais ce n’était pas tout, elle se promit également d’apprendre à se battre, de devenir quelqu’un tout en répandant son savoir, jusqu’au jour où leur chemins se croiseraient de nouveau, ce jour là, oui, il serait fier d’elle.

Il était désormais son nord comme son sud, ses prières journalières et ses moments de répit, l’oxygène qu’elle respirait, le soleil qui la réchauffait, les ténèbres qui la protégeaient, l’étoile qu’elle aimait regarder, l’espoir pour lequel elle survivrait, simplement Michael … sa raison de vivre.

[ ~ The end ~ ]